Salah NAJAH | Expert International - Agro- Économiste
Sécurité Alimentaire Développement Rural Chaines De Valeurs - Filières Gestion Durable Des Ressources Naturelles
Pour un observatoire de l'irrigation au Niger

Préambule

Le Niger dispose d’un potentiel de terres irrigables estimé à 270.000 ha, soit environ 2% de la surface cultivable ; seuls 107.000 ha[1] sont mis en valeur.

Les ressources en eau sont relativement importantes. Le potentiel en eau de surface est sommairement estimé à 32 milliards de m3 et les écoulements souterrains renouvelables représentent un volume annuel d’environ 2,5 milliards de m3. Dans la plupart des zones potentielles de la petite irrigation (PI), l’eau est accessible mais il faut signaler des déficits perceptibles par une baisse du niveau dynamique dans l’Aïr, les cuvettes du Manga, la Maggia et la Tarka.

Les changements climatiques des dernières décennies ont induit une diminution des surfaces cultivables alors que la pression sur les terres, liée à une forte croissance démographique, augmentait et que la fertilité des sols baissait.

Face à un déficit de production agricole devenu structurel (une année sur trois est marquée par un déficit supérieur à 200.000 tonnes de céréales), l’Etat a fait évoluer les stratégies de développement agricole qui reposaient essentiellement sur l’agriculture pluviale pour intégrer, de manière plus prononcée, la dimension irrigation.

Ainsi, pour asseoir une politique de sécurité alimentaire, dont l’irrigation constitue la colonne dorsale, une Stratégie Nationale de Développement de l’Irrigation et de la Collecte des Eaux de Ruissellement (SNDI/CER) a été élaborée et validée en 2005. Cette stratégie trace les grands axes d’intervention dans la grande irrigation mais ne prend pas en compte, de manière explicite, la petite irrigation communautaire (groupements, associations, groupements d’intérêt économique).

 

Le Gouvernement de la 7ème république a adopté en avril 2012 la Stratégie pour la sécurité Alimentaire et Nutritionnelle et le Développement Agricole Durable (Initiative 3N), comme stratégie fédératrice des interventions en milieu rural.

 Fondements pour  un observatoire sur l’irrigation au Niger

Le secteur de l’irrigation étant parmi les secteurs les plus stratégiques  au Niger, il mérite un profond travail d’investigation et de suivi en vue de mettre à la disposition des autorités nigériennes compétentes un espace de visibilité en temps réel sur les différentes composantes liées à la gestion de la ressource en eau dans un pays sahélien où le changement climatique manifesté par la désertification récurrente représente un frein sérieux au développement.

Il n’ ya qu’à  observer les photos satellites (ci-après) sur l’évolution du lac Tchad pour se rendre compte de la gravité de la situation hydrique dans les pays du Sahel y compris dans vaste pays comme le Niger.

Le gouvernement du Niger à travers son Ministère de l’agriculture se retrouve à juste titre  dans son rôle en disposant  d’un dispositif de suivi des ressources hydriques comme c’est la pratique dans plusieurs autres pays du Monde préoccupés par la bonne gestion de l’eau.

Plusieurs aspects liés à l’irrigation et à la gestion de l’eau méritent d’être suivis par les autorités compétentes:

Les principales composantes de l'observatoire (à enrichir par les acteurs)
Thématique Argumentaire

Evolution des ressources hydriques  de surface

Le Niger qui jouit d'un grand potentiel hydrique de surface grâce au fleuve Niger, le lac Tchad et plein d'autres cours d'eau et retenues naturelles est tenu de suivre l'évolution à la fois saisonnière et interannuelles en vue de mieux optimiser leurs utilisations tout en conservant ses ressources pour ses générations futures. 

Evolution des ressources hydriques souterraines

Là aussi, le réservoir souterrain en eau du Niger s'inscrit dans un espace hydrique souterrain transfrontalier entre plusieurs pays du  Sahara et du Sahel. Certaines ressources sont renouvelables et d'autres sont malheureusement fossiles. Le Gouvernement du Niger doit disposer des outils suffisants pour veiller à la gestion rationnelle des ressources hydriques souterraines.

Valorisation des ressources hydriques en agriculture et élevage

Il est indispensable pour le Gouvernement nigérien de pouvoir disposer en temps réel des statistiques renseignant sur les superficies réellement irriguées  par entité  géographique, et par filières, les rendements obtenus et les performances économiques à l'hectare.

La petite irrigation étant étroitement complémentaire à la grande irrigation, il est attendu des informations renseignant sur chaque type d'irrigation.

L'élevage et le pastoralisme sont également concernés par l'état des ressources hydriques et les modes de leurs exploitations.

Les organisations d'irrigants

L'observatoire devrait renseigner régulièrement sur le nombre d'organisations d'irrigants, leurs fonctionnements, leurs évolutions et leurs contraintes et atouts.

Les filières agricoles issues de l'irrigation

La valorisation de l'irrigation est soumise aux performances économiques issues de la commercialisation sur les marchés locaux et nationaux comme à l'export des filières concernées.

La question foncière

La question foncière apparait à chaque fois au centre des entreprises de développement de l'irrigation. Des lois et législations foncières sont en évolution au Niger, et l'observatoire devrait renseigner régulièrement sur les mesures législatives et les contraintes rencontrées en la matière.

Les aménagements et équipements hydroagricoles 

Pouvoir disposer de données quantitatives et qualitatives actualisées sur les nouveaux aménagements et l'état des anciens aménagements.

Technologies de l'irrigation et les énergies renouvelables.

Dans plusieurs pays touchés par le changement climatique, on assiste à des reconversions vers des technologies plus économisatrices d'eau en agriculture, par exemple le goutte à goutte dans plusieurs périmètres irrigués au Maghreb comme au Sahel.
A ces reconversions technologiques de l'irrigation, il existe de plus en plus de tendance vers l'économie d'énergie par des systèmes d'énergie renouvelables notamment le solaire et l'éolien.
Il est du rôle du Gouvernement du Niger de capitaliser toutes les expériences et projets pilotes dans ce sens en vue de se préparer pour les nouveaux défis qui concernent le secteur de l'irrigation en agriculture.

Accès aux  financements pour les irrigants (crédits et subventions)

Il ne peut y avoir de développement de l'irrigation sans investissements tant pour la petite comme pour la grande irrigation. Il est attendu de l'observatoire de pouvoir informer régulièrement les décideurs comme les entrepreneurs de l'état des lieux d'un tel aspect.

Impacts environnementaux

L'usage de l'eau est par définition associé à la problématique environnementale notamment en agriculture. Il est indispensable pour le Gouvernement du Niger de pourvoir disposer à travers ledit observatoire de données fiables et actualisées sur:

  • L'état de l'épuisement de la ressource en eau;
  • Les problèmes possibles de salinisation des terres irriguées par remontée capillaires;
  • La biodiversité;
  • L'énergie;
  • Les questions de drainage;

Les maladies d'origines hydriques dues aux stagnations des eaux…etc..

Les acteurs institutionnels nationaux impliqués

Sous l'égide de la I3N il existe une panoplie d'intervenants nationaux en lien avec le secteur de l'irrigation au Niger comme: MAG-DGA, DGGR, HCAVN, Ministère de l'hydraulique, ONAHA, INRAN, CAIMA,  FUCOPRI,  OPVN,  RECA…etc…

Tous ces intervenants seraient ont amenés dans le cadre de l'observatoire de fournir des informations opérationnelles actualisées dans une base de  données utile.

Les acteurs de la coopération bilatérale et multilatérale

Idem, en 2015 plus de 19 projets ou programmes sont soutenus par autant de partenaires soit dans le cadre de la coopération bilatérale ou multilatérale. Là aussi le Gouvernement du Niger se donne le droit de regard sur l'état d'avancement des projets et programmes et les résultats socioéconomiques et écologiques à travers des informations structurées et régulières fournies par ses partenaires au sein dudit observatoire.

Pour un observatoire de l'irrigation au Niger3

Structure de l’observatoire

L’observatoire sur l’irrigation au Niger se veut comme un outil de veille ou tableau de bord interactif à mettre à disposition du Gouvernement du Niger et des structures de développement et acteurs nationaux en vue de disposer d’une visibilité en temps réel sur l’évolution du secteur pour ses différentes composantes.

Il se veut également un dispositif de communication au profit des différents intervenants dans le secteur en vue d’optimiser les projets et gagner en efficacité.

Un portail internet  sera consacré comme support virtuel à l’observatoire et où tous les intervenants auraient à inscrire un site internet portant l’essentiel des données de leurs interventions respectives étant donné que ce sont les acteurs et  les partenaires qui nourrissent l’observatoire

A ce propos, il est à rappeler  que l’AFD (Agence Française pour le développement) a déjà soutenu la RECA (Réseau des chambres d’agriculture) au Niger avec une l’assistance technique qui a considérablement  enrichi, et  à juste titre, le dispositif de communication de la RECA à travers son site internet actuellement très riche en informations opérationnelles mises à jour régulièrement et disponibles soit sur le site ou en diffusion sur un  mailing pour les principaux acteurs du secteur.

Produits phares de l’observatoire

  • Une base de données quantitative et qualitative renseignant sur les différentes composantes en lien avec l’irrigation comme cité (ci-haut);
  • Une cartographie thématique issue des travaux SIG et photos satellites couvrant l’ensemble du territoire;
  • Un bulletin d’information périodique diffusable sur une mailing liste et où tous les intervenants seront invités à enrichir en informations utiles du moment;
  • Sur le même portail-observatoire mettre en place un outil opérationnel de coordination inter-acteurs permettant de faire la synthèse des informations et base de données fournies par chacun des acteurs dans le secteur.

Attendus

Ainsi et pour le bon déroulement dudit observatoire il y a besoin d’un effort d’accompagnement:

  • En formations (de webmasters, animateurs coordinateurs du portail- observatoire sur le net, formations en base de données….etc…)

Aussi,  il y a lieu de:

  • Recenser systématiquement tous les acteurs concernés nationaux comme internationaux, publiques et privés;
  • Approfondir les principales composantes à intégrer dans l’observatoire;
  • Un équivalent travail terrain alimentant l’observatoire tout en formant les collecteurs de donnés issues du  terrain

Enfin pour ce faire, tous les acteurs et partenaires intervenants dans l’irrigation au Niger sont invités à collaborer en mettant à disposition les moyens matériels, organisationnels, humains et techniques pour réussir une telle entreprise.